samedi 22 mars 2008

Economiser l'eau en photographie analogique

Ouvrir un robinet et obtenir de l'eau est un geste de confort banal. L'eau de la nature est gratuite et n'appartient à personne. Ce n'est pas cette ressource naturelle que le consommateur paie mais bien les services et infrastructures nécessaires pour capter l'eau, la traiter, la stocker, l'acheminer au robinet et l'assainir après usage. Le prix de l'eau intègre toutes ces étapes du cycle de l'eau potable.
En général, l’eau de distribution est puisée dans les nappes et dans les eaux de surface. La qualité des eaux de surface varie fortement suivant leur origine. Selon le cas, elles sont naturellement riches en matières en suspension et en matières organiques naturelles, acides, peu minéralisées,... Elles sont également vulnérables aux pollutions. De ce fait, les eaux de surface nécessitent des installations de traitement conséquentes comprenant généralement des opérations de chloration, coagulation, floculation, décantation/flottaison, filtration, minéralisation, neutralisation de l’acidité. L’eau de surface peut aussi être filtrée sur du charbon actif. L’ozonisation est aussi une technique utilisée pour éliminer les micropolluants, les germes, les virus, les mauvais goûts, les couleurs et les odeurs[1].

Le coût du traitement, les variations saisonnières des caractéristiques de l’eau et les difficultés engendrées par les produits secondaires issus de la chloration d’eaux trop riches en matière organiques constituent les inconvénients majeurs des eaux de surface par rapport aux eaux souterraines.Les eaux souterraines sont mieux protégées contre les agressions naturelles et humaines. Leurs caractéristiques sont plus constantes et elles ne nécessitent généralement que des opérations de traitement ciblées sur l’une ou l’autre caractéristique suivant leur origine. Les eaux souterraines, principale source d’eau potable, sont naturellement très pures. Malheureusement, la pratique montre une détérioration croissante de cette qualité du fait d’activités humaines, sources de pollutions tels que les nitrates, les pesticides, les hydrocarbures (quelques gouttes de mazout suffisent à rendre de grandes quantités d’eau impropres à la consommation ne fut ce que par le goût et l’odeur). Les activités industrielles contribuent aussi à la pollution des eaux tout comme les bassins d’orage qui collectent des eaux provenant des routes et chargées de polluants divers : les produits provenant de l’usure du revêtement et des pneus, de l’échappement des véhicules, des sels de déneigement,...[2]

Une qualité de vie normale exige environ 80 litres d’eau par jour et par personne. Or, dans les pays développés, cette consommation grimpe de 100 à 500 litres par personne et par jour.
Alors qu’un Américain consomme en moyenne 500 litres par jour, un Européen en consomme environ 200 litres et un Africain entre 10 et 20 litres seulement.
Les pays d’Afrique ont une consommation qui reflète les difficultés d’accès à l’eau, pas seulement pour cause de climat aride mais aussi par manque d’infrastructures.
L’eau du robinet est 50% plus cher qu’il y a dix ans et, apparemment, ça ne suffit pas, car l’Europe veut encore relever les prix. En moyenne et selon les localités, 1m3 d’eau coûte 2,5 à 3 €. Afin de répondre aux exigences européennes et à la Directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, la Région wallonne applique une nouvelle tarification depuis le 1er janvier 2005. La nouvelle tarification de l'eau est basée sur les notions de "Coût-Vérité "et du "principe pollueur-payeur"[3].
Une chose est pourtant certaine : le prix de l’eau de distribution augmente chaque année !

En photographie analogique, le traitement pour une conservation à longue durée nécessite l’utilisation d’une quantité non négligeable d’eau de distribution afin d’enlever les substances non désirées des émulsions. Il est donc souhaitable de rationaliser les techniques de lavage des ces dernières.
La température de l'eau de lavage a une influence importante sur la vitesse d'enlèvement des composantes de thiosulfate et d'argent. Il est souhaitable de régler la température de l'eau entre 14 et 20°C et de ne jamais dépasse 25°C sous peine d'endommager la gélatine.
Un concept que l'on trouve régulièrement dans le littérature spécialisée est que l'eau doit avoir un débit suffisant pour remplir le bac de lavage en 5 minutes. Ce débit doit être réalisé sans turbulence excessive, ce qui peur endommager l'émulsion. Il s'en suit que les dimensions du bac de lavage doivent être adaptées afin d'utiliser un minimum d'eau courante. La turbulence doit être suffisante pour tenir l'émulion en mouvement. L'eau doit également pouvoir circuler librement autour e chaque film, négatif ou tirage. Le débit habituellement utilisé est d'environ 4 litres/minute.

Le lavage des films est relativement facile puisque le support de l'émulsion n'asorbe quasi pas les produits chimiques. Dans de bonnes conditions un film est suffisamment lavé après 15 à 20 minutes. Le lavage des émulsions barytées est plus complexe car les fibres cellulosiques du support peuvent emmagasiner et retenir des quantités importantes de produits de fixage.

Le taux admissible de la teneur en thiosulfate d'une émulsion barytée est de 0,1 g/m². L'enlèvement des sels de fixage résiduels a posé de problèmes à des générations de photographes pour la bonne raison que, visuellement, on ne remarque aucun signe de produits dangereux pendant le traitement ni après celui-ci.
Au fil du temps différentes méthodes de lavage de l'émulsion sur papier ont été proposé et différents appareils de lavage ont été développé. Les caractéristiques essentiels d'un laveur efficient comportent les points suivants:
- le laveur doit avoir des dimensions compactes;
- chaque émulsion doit être isolée pendant le lavage;
- l'eau propre doit atteindre toute la surface de chaque émulsion;
- il est important de créer la possibilité de trempage dans de l'eau stagnante propre;
- il faut prévoir un entretien facile du laveur, sans pièges de saletés inaccessibles.
Si on lave une feuille à la fois ces points peuvent facilement être réalisés dans une cuvette plate pourvue d'un dispositif créant la turbulence voulue comme par exemple le photolav de la firme Deville.
Lorsque plusieurs feuilles doivent être lavées simultanément l'usage du laveur vertical à compartiments est recommandé. Depuis la fin des années 1970 plusieurs laveurs verticaux ont vus le jour. Un type de laveur particulièrement efficace parmi ceux-ci est le laveur Français de Deville constitué d'un bac de lavage dans lequel on place un panier contenant les tirages qui peut très facilement être placé et enlevé.
Lors d'une recherche sur le lavage d'archivage des émulsions barytées (i) il a été observé que le pourcentage de thiosulfate résiduel accepté de 0,1 gm² était atteint après un lavage de deux heures dans de l'eau courante à un débit de 4 L/min ce qui correspond à environ 100 litres d'eau de distribution par photo en utilisant un laveur pouvant contenir 6 tirages de 30x40cm..
En étudiant la courbe de lavage on peut conclure qu'en réalité il est indispensable d'utiliser de l'eau courante pendant la première phase du lavage et qu'ensuite, on peut se contenter d'utiliser de l'eau stagnante propre pendant la durée de la seconde phase.
En effectuant un fixage à 2 bains comme décrit plus haut et en utilisant un bain d'adjuvant de lavage avant le lavage final, la première phase est atteinte après 30 minutes. Pour le fixage rapide cette limite est atteinte après 15 minutes. Après cette phase de lavage il suffit de vider le laveur et de le remplir avec de l'eau propre pour terminer le cycle de lavage dans de l'eau stagnante, donc sans consommation d'eau courante.
Ainsi on réduit la consommation d'eau de distribution à:
- 35 litres par tirage 30x40cm pour le fixage à 2 bains;
- 25 litres par tirage 30x40cm pour le fixage rapide.


(4) Roger Kockaerts - Traitement de conservation de l'émulsion barytée, Edition pH7, Bruxelles, 2002.

[3] http://www.aquawal.be/xml/liste-IDC-142-.html

[2] Centre d’Information sur l’Eau. http://www.cieau.com/accueil.htm

[1] Le Réseau Eco-consommation, avenue Cardinal Mercier, 59, 5000 Namur. http://www.ecoconso.be/spip.php?article222